Cela fait maintenant trois heures que je rampe. C'est rigolo comme le temps passe plus vite ici bas. Ma récente conversation avec Robi me hante, ses arguments tournent dans ma tête comme un essaim de moustiques et une pensée ressurgit de la masse "havemercy, si tu descends dans ce truc, je viendrai pas te chercher (...) déconne pas mec (...) ces bruits tu es seul à les entendre (...) me laisse pas" Deux jours en arrière, au sud du chantier , près de la tente de max04, je trébuche sur une racine et mon nez 2 centimètres en face d'une vielle plaque de bois enfoncée dans le sol et couverte de sable, de mauvaises herbes. Aucune chance de la voir sauf de tomber dessus. Je n'arrive pas à la soulever et je n'en parle pas aux autres. J'attends Robi et ses conseils. La nuit, pendant que la ville roupille, on la soulève. Peut - être son odorat est-il plus développé que le mien mais il ne voulut pas descendre. L'odeur, je ne pense qu'à ça depuis trois heures. Elle me frappa comme Robi lorsque la plaque fut jetée sur le côté. Le trou était sombre et l'obscurité était totale et ne permettait plus de voir les marches après 1 ou deux mètres sous le sol. Je résolus d'y descendre le jour suivant. L'ambiance de la ville était ma raison avouée , mais je me sentais aussi attirée par quelque chose d'autre, un sentiment plus puissant Je rampe maintenant. Passé la première coudée de l'escalier, la pente s'est amoindrie et l'escalier à fait place à une sorte de corridor, creusé dans le sol. Je me dirige les doigts aux parois et j'avance d'abord vouté puis à quatre pattes Je dois avoir dépassé les limites de la ville. Au fond, je suis au fond et je m'efforce de garder les idées claires. Obsedé, c'est vrai, par ce trou noir depuis deux jours je ne pense qu'à ça. Un aimant qui attire mon regard et qui me rend sourd au reste. Enfin pas vraiment sourd, comme la tête plongée dans de la ouate, une tranquillité bizarre et un bourdonnement dans les oreilles. Mes instants de panique des premiers jours de la ville ont disparu, disparue la sensation d'oppression en montant sur la tour de guet, disparue les autres menaces. Je sens que le tunnel arrive à son terme. |