Les derniers maux d'un condamné Aujourd'hui je vis mes derniers instants. Aujourd'hui je serai jugé par mes pairs pour avoir causé la mort de plusieurs résidents du Refuge du De la Miséricorde et pour avoir mis ainsi en péril la survie de notre communauté. Je n'ai pourtant commis aucune faute, j'ai seulement agi par bonté d'âme. Mais laissez-moi vous raconter... Depuis plusieurs semaines que je vis dans ce trou perdu du désert j'ai entendu et vu bien des choses qu'aucun homme ne devrait jamais connaitre. Mais cela est une autre histoire. Toutefois, il faut savoir que parmi nous il est une personne qui jamais ne quitte sa cabane et que chacun de nous est tenu de visiter à tour de rôle pour s'enquérir de son état. Une nouvelle fois je me suis donc rendu le soir venu jusqu'à cette masure de planches et de tôles où « il » vit en reclus. Quand j'ai pénétré dans la pénombre étouffante et malsaine des lieux, je l'ai trouvé comme à son habitude assis sur ce rocking-chair qu'il ne quitte jamais puisque ses poignets et ses chevilles y sont solidement attachés. Comme à chaque fois il m'a supplié de le libérer de ces entraves, il m'a raconté encore et encore qu'il devait nous sauver tous et qu'il connaissait le moyen de neutraliser les créatures infernales qui régulièrement s'en prenaient à nous. Jusqu'alors je m'étais contenté d'ignorer ses suppliques, de vérifier ses liens et de lui donner à boire et à manger en songeant aux paroles de notre médecin - nous n'avons plus de médicament pour soigner le mal dont il souffre - Ce n'est qu'un enfant, à peine un adolescent pensais-je en portant la gourde à ses lèvres. La détresse que je lus dans ses yeux et la détermination que je perçus dans sa voix ; son visage émacié et ce corps frêle honteusement enchainé me troublèrent plus que coutume. S'il était malade, comment pouvait-on le laisser dans pareille condition ? Je fixai un moment ce malheureux et je finis par me résoudre à un acte de charité bien évident. Je tranchai les cordes et le regardai se masser les poignets. Il me sourit un instant puis me lança un regard solennel. L'instant d'après il bondit sur moi, me renversa et lorsque ma tête heurta violemment le sol, je perdis connaissance. Quand je revins à moi, ce fut pour entendre les cris de quelques camarades et quand je fus arrivé à proximité du campement principal, je découvris le jeune homme qui se débattait comme un beau diable, hurlant comme un damné, les yeux exorbités, tandis que pas moins de cinq personnes tentaient de le maitriser. J'appris un peu plus tard que sitôt qu'il eut quitté son antre, il s'était rendu d'un pas décidé vers les tentes où les travailleurs épuisés dormaient du sommeil du juste. Il avait alors rigoureusement éclaté la tête d'une demi-douzaine d'entre eux à l'aide de sa vieille pelle avant d'être surpris et finalement stoppé dans sa folie meurtrière. Aujourd'hui la potence servira par deux fois. Pour lui et pour moi. auteur : Darthwolf |