Je me réveillais, encore. Il faisait jour, cette fois. Et j'étais en vie. Surprenant, vu ce dont je me rappelais. J'étais toujours nu, allongé sur le sol.Et j'avais toujours aussi froid. Mais mon esprit était notablement plus clair. Ce n'était pas Amanda la responsable. Je me rappelais distinctement qu'elle marchait devant moi avant le choc qui m'avait frappé, sans prévenir, sans un bruit, par derrière. Je tâtais mon crâne précautionneusement. Au vu de ce que je sentais sous mes doigts, c'était un vrai miracle que je ne sois pas mort sur le coup. Il y avait tellement de sang séché... Je rajoutais l'hémorragie aux choses dont je n'aurais pas dû survivre. ça, et les silhouettes courant dans le noir. C'était une vraie révélation : elles n'y voyaient pas la nuit ! Pas beaucoup, en tout cas. Je ne m'amuserais pas à prendre le risque d'une autre nuit dehors. Pas si j'ai le choix, en tout cas. La cabane paraissait en bon état, de l'extérieur. Je me demandais si les choses étaient parvenus à leurs fins( et à satisfaire leurs faims ! Ahahaha. Ahem.). Si c'était les responsables de mon état qui étaient à l'intérieur, je n'allais pas m'en plaindre. Je sentais encore les contrecoups du choc et de la nuit. Je tentais péniblement de me remettre sur mes jambes et chutait, le monde tourbillonnant autour de moi. Ce qui fut une chance. Un homme sortît de la cabane, en baillant. Je restais figé, à terre. Allait t-il me voir ? J'avais une vue très nette de lui depuis ma position. Barbu, l'air ensommeillé. Et s'avançant droit vers moi, escaladant le maigre talus. Je restais aussi immobile qu'une pierre, pétrifié par l'indécision. Qui était-ce ? Avait t-il seulement quelque chose à voir avec mes malheurs ? Que devais-je faire ? Lui parler ? partir sans un bruit ? Il s'arrêta à quelques mètres sur ma gauche,tourné vers un arbre. Sans me voir. Un bruit de braguette qu'on ouvre, très péniblement. Des jurons colorés à ce propos, et sur celui de l'état de ce jean. Je le comprenais tout à fait, ce jean était vraiment dans un état lamentable, je l'avais porté pendant plusieurs jours de suite, puisque je n'avais pas eu le temps de me changer. La compréhension, claire. Cet homme portait mon jean. La rage, sourde, qui me prend. Pour lui, j'étais mort. Il m'avait dépouillé, et laissé pour mort. Il m'avait tué, et était parti, comme ça. Il n'avait pas réussit. Et il allait le regretter. C'était à mon tour. J'avais l'impression qu'il y avait un voile rouge entre le monde et moi. Au diable l'indécision, je savais ce qu'il me restait à faire. Ce fut rapide, je ne réfléchis presque pas. Je me levais, doucement, silencieux. Pas de tournis cette fois ci. J'étais centré sur mon objectif. Plus rien n'existait hormis moi, et cet homme. Si tant est qu'il méritait encore le qualificatif d'homme. Le méritais-je encore ? Plus pour longtemps. J'avançais dans son dos, pendant qu'il se soulageait. Il ne se rendit compte de ma présence que quand il fut trop tard. Quand mes mains se serrèrent autour de sa gorge. Ce n'est pas vraiment comme dans les films. Il se débattit, longtemps. Il ruait, tentait de me donner des coups de pieds, de faire tout ce qui était dans son pouvoir pour se libérer de moi. Et je serrais, serrais, serrais ... Conscient que si je lâchais, ce serait lui qui mettrais ses mains autour de mon cou. Qu'il ne lâcherait pas. Je ne lâchais que de longues minutes après qu'il eût cessé de se débattre. De respirer. De vivre. Pas seulement pour être sûr qu'il était bien mort. Parce que j'étais dans un état de choc. Parce que je ne savais pas quoi faire. Parce que j'avais honte de ce que j'avais fait. Parce que j'avais peur de ce que j'allais faire. Parce que j'essayais de me convaincre que j'avais bien agis, que c'était ce qu'il fallait, ce que je DEVAIS faire. C'était lui ou moi. C'était lui ou moi. C'était lui ou moi. |