Je suis resté immobile quelques minutes, je pense. Je regardais son visage, violet. La langue hors de sa bouche. Son air exorbité, absolument affreux. Assurément, c'était moins beau que dans les films. Je ne pouvais plus me voiler la face. Cette fois ci, j'y étais, j'avais bel et bien tué . Pas une de ces choses, non, mais un être humain. Un vivant ! J'étais un meurtrier. J'avais tué . Par vengeance, pour faire passer ma rage . Comme un animal . L'idée me vint, absurde, que j'allais sans doute me faire arrêter. Une vague de panique me paralysât, jusqu'à ce que je me rende compte du côté ironique de la situation. Vu l'état du monde, une vie en prison aurait peut être était souhaitable, après tout. Mes pensées s'agitaient sans cesse . J'avais tué . il le fallait, c'était une nécessité ! Le monde avait changé, et je me rendais compte que j'avais changé avec lui . Et cet homme, dont j'ignorais le nom, en avait payé le prix . Et puis merde ! Cet enfant de salaud m'avait battu et laissé pour mort ! il m'avait volé jusqu'à mes fringues ! il méritait sa mort ! Il n'aurait pas hésité, lui ! Il n'aurait pas de remords, lui ! Je me dégoûtais moi même . Quelques jours après mon dernier cours, j'étais déjà capable de tuer, et de me dire que c'était une bonne chose ? Quelques jours après la Fin (... ou le Début ?) et je me comportais déjà comme une bête . J'ai déjà mentionné à plusieurs reprises que je ne suis absolument pas un héros . Mais je refuse néanmoins de me comporter comme une bête. Et là , c'était trop . J'avais serré, serré, jusqu'à ce qu'il crève . Et je ne pouvais pas me le pardonner, et continuer à agir comme si de rien n'était. Je le devais, pourtant, si je voulais vivre dans ce monde. Quoique, au final, à quoi bon ? Je n'avais plus rien . Pas de famille, pas d'amis, pas de compagne, pas de biens terrestres, et même pas la foi. A quoi bon ? Sans but, peut être valait-t-il mieux que je m'allonge là , et que j'attende que la nuit tombe. Et fermer les yeux sur la suite ... ce serait bref, sans doute. La fin d'un cauchemar. Oui ... je fermais les yeux . - Un cri aigu. La cabane. Un cri de femme. Amanda. Un but. J'étais dans un état second. Je me relevais. La fin du cauchemar n'était pas pour tout de suite, on dirait. Je fis un pas en avant. Non, pas comme ça . Pas nu . J'arrachais les vêtements au corps étendu. J'ignorais toujours son nom. Je ne devais jamais le savoir. Ses chaussures étaient trop grandes. Le reste convenait. C'était bien mon jean. Je lui pris tout, comme il m'avait tout pris. J'avais froid, et les morts n'ont pas besoin de T-shirts, de chaussettes, ou du reste. Mais quelque part, je me disais que ce n'était pas bien. Je le laissais totalement nu, comme il m'avait laissé. Je notais distraitement qu'il n'avait pas ma montre. Un autre cri. Je me dépêchais, dans un espèce de brouillard. Un couteau, dans sa botte gauche. Long, le couteau. Heureusement qu'il n'avait pas pu le prendre. Je courais vers la cabane. Je me rappelle m'être fait la réflexion saugrenue que peu importait, pour les fringues. Les morts les lui auraient arrachés à la nuit tombée. Quoique ... si il se relevait ? Toujours des cris, des plaintes. Plus vite ! Peu importait. Je me sentais quand même mal, de porter les vêtements d'un mort. Même si certains étaient légitimement les miens. Mes pensées tourbillonnaient dans mon crâne comme des mouches sur un des corps que j'avais vu la route. La cabane. L'air solide, des marques de griffures. La porte, épaisse. Pas fermée. Gongs huilés, pas de grincement désagréable. J'entrais, le couteau à la main, me demandant si j'oserais m'en servir. Dedans ... |