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Récit : « Le Grimoire DĂ©pĂ©rit Vol.1 »

SommaireChapitre 1Chapitre 2Chapitre 3Chapitre 4Chapitre 5Chapitre 6

Chapitre 7Chapitre 8Chapitre 9Chapitre 10Chapitre 11Chapitre 12Chapitre 13

Chapitre 14Chapitre 15Chapitre 16Chapitre 17

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Chapitre 3 : Le personnage obsédé par la saleté de Jery
Siegfried avait élu domicile dans l’emplacement le plus éloigné de ce campement que nous appelions fièrement Ville de l’Espoir.

Sa tente était installée à l’extrême Sud, légèrement en retrait de l’alignement, mais nous ne savions trop si c’était pour profiter d’un ensoleillement maximum ou pour se tenir à l’écart des autres logements.

Très vite, nous remarquâmes que, chaque matin, il était le premier d’entre nous à se lever. Pendant que nous dormions encore, il balayait les détritus que le sirocco amenait toutes les nuits aux pieds de sa tente. Cela nous semblait tellement ridicule, à nous, dont l’esprit n’était plus occupé qu’à une seule et unique chose : lutter pour notre survie.

Nous fîmes surpris de constater chez lui un comportement identique en soirée. Au retour de ses expéditions ou de ses travaux, à l’heure où ses concitoyens se reposaient méritoirement, il sortait de son habitation divers ustensiles pour s’affairer autour des chantiers les plus proches. Le premier jour, nous l’observâmes, inquiets d’un éventuel sabotage. Puis très vite, nous comprîmes qu’il ne s’agissait pas de cela. Mais il ne le faisait pas pour continuer ardemment les constructions en cours non plus. Non, il n’en n’avait pas plus les forces que nous. En fait, il s’y afférait simplement pour leur donner un aspect moins crasseux. En effet, chaque jour, une multitude de grains de sable venait petit à petit s’amonceler sur les planches et les ferrailles qui constituaient nos pièges.

Mais dans une situation de survie quotidienne contre les Hordes, de surcroît au milieu d’un désert, ses faits et gestes s’avéraient plutôt cocasses.

D’abord interloqués, nous commençâmes à en rire, quelques jours plus tard. Certains ricanaient doucement, tandis que d’autres se moquèrent plus ouvertement.

- Hey, la bonne, quand est-ce que tu viens faire le ménage chez moi ? Rharara…

- Ca se passe bien le nettoyage ? Dépêche-toi, y’a encore la vaisselle après ! Rhrhrh…

Je ne saurai dire à quel point cela le touchait. Il ne laissait rien transparaître, faisant mine de ne pas entendre. Mais parfois certains sarcasmes étaient très durs. Blessants même.

Au soir du 9ème jour, chacun rejoignit sa couche, peu avant l’attaque. Nos défenses étaient suffisantes pour contrer la Horde.

Cependant, nos calculs n’avaient pas tout prévu. Un petit détail qui aurait pu s’avérer fatal !

Ce soir là, douze zombies passèrent outre les murailles et leurs renforts. C’était prévisible, et en principe sans gravité. Nous n’avions pas encore de défenses personnelles, mais les autres chantiers construits à l’intérieur de notre enceinte auraient dû faire l’affaire avant que ces satanés monstres ne parviennent au premier d’entre nous.

Sous nos draps, nous entendions au loin les zombies arriver à hauteur du canon à briques… Nous nous attendions à écouter les rochers projetés terminer leur courses sur les corps démembrés de nos adversaires, mais rien n’y fit. A part la lente marche des zombies dans notre direction, le silence. Et petit à petit, ils approchaient toujours un peu plus.

C’était au tour du sani-broyeur de faire son œuvre. Nous savions que ce système faisait un bruit assourdissant au moment où les deux plaques se refermaient sur leurs proies. Nous attendions ce son salvateur avec fébrilité. En vain. Après plusieurs secondes, il fallait bien se résoudre à l’évidence, le sani-broyeur était resté de marbre à leur passage.

C’était au tour du lance-tôle. Le résultat fût le même. Nous commençâmes à être de plus en plus anxieux. Couchés, de grosses gouttes perlaient le long de nos fronts tremblottants.

Notre dernière défense avant la mort : le tourniquet à poutres. Et survint enfin le dénouement tant attendu. Le piège se mit à tournoyer sur lui-même, fendant l’air de ses madriers et massacrant la petite troupe de zombies restante.

L’attaque terminée, nous sortîmes tous en vitesse de nos caches respectives. L’émoi était palpable, nous voulions comprendre les dysfonctionnements qui nous avaient presque coûté la vie.

Le résultat fut sans appel : le canon à brique, le sani-broyeur et le lance-tôle n’avait pas fonctionné correctement car leurs mécanismes avaient été endommagés des jours durant par les tempêtes de sable qui sévissaient. Et leurs engrenages regorgeaient de sable, coinçant les délicates mises à feu de ces pièges.

Quant au tourniquet ? C’était le chantier dont Siegfried s’était occupé tous les soirs, le maintenant dans un état correct, nettoyant ses ressorts quotidiennement.

Nous eûmes un choc, comme une révélation. L’homme qui avait enduré nos quolibets nous avait sauvé. Ce soir-là, il gagna notre respect et, surtout, nous nous sentions idiots et honteux de l’avoir traité de la sorte.

Les jours passèrent, et plus personne ne se moqua de lui. En rentrant du labeur, nous passions chacun 20 minutes à nettoyer les mécanismes de nos pièges, tous les soirs. Nous avions retenu la leçon.

L’attaque du 17ème jour fut déterminante. Nous estimions à une cinquantaine de zombies ceux qui allaient passer nos pièges et s’attaquer à nos habitations. Heureusement, nous pouvions chacun en contrer à peu près trois grâce à nos défenses personnelles. Vu le nombre de citoyens restant encore en vie, un rapide calcul nous permis de jauger nos pertes à quatre ou cinq citoyens.

Nos prévisions quant au nombre de zombies furent à peu près exactes. Mais à notre grande surprise, nous constatâmes au petit matin que nous n’avions qu’une seule perte à déplorer : Siegfried !

Alors que les lieux de vie de chaque citoyen empestaient la charogne, le soin qu’il avait pris à nettoyer sa petit habitation et à se laver quotidiennement avait donné à son emplacement une odeur attrayante pour les zombies cherchant une nourriture fraîche à se mettre sous la dent.

C’était la deuxième fois qu’il nous sauva. Nous ne l’oublierons jamais, ainsi que nos erreurs à son encontre. Nous lui fîmes un enterrement comme il l’aurait souhaité : nous lavâmes sa dépouille entièrement, puis l’enfermâmes dans un coquet cercueil, nettoyé préalablement à l’eau. Quatre planches et deux rations d’eau furent utilisées à cet effet, mais nous lui devions bien cela. Et chaque jour qui passe, l’un d’entre nous est chargé de balayer sa sépulture.

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