Votre cœur avait raté un battement. C’est lui ! pensez-vous. Marie est peut-être morte, il est armé, et vous n’avez rien. Vous pensez vraiment que c’en est fini de vous et que plus rien ne pourra vous sauver. Votre dernière chance est de gagner un peu de temps grâce à la discussion : « -Marie !!! Elle est… ? -Non. -Mais… Vous êtes bien ?... -Non. » Cet étrange personnage avait répondu d’une voix très calme, dépourvue d’animosité, mais également de chaleur, comme s’il n’avait aucune émotion et qu’il calculait froidement ce qui se déroulait sous ses yeux. Il vous inspirait une peur très profonde : après tout, il pourrait très bien être ce scientifique fou. Vous n’êtes même pas sûr qu’il ait compris votre deuxième question, et il lui aurait été aisé de mentir. Cependant, une forte intuition vous laisse penser que Marie est bel et bien vivante. « -Mais alors… -C’est à vous de choisir si vous devez me faire confiance ou non. Elle n’avait pas à entendre ce qui va se dire. Maintenant que vous avez lu ces papiers, vous avez accédé à un savoir qui vous posera de nombreux problèmes. Je ne vous le cache pas, il va essayer de vous tuer, par tous les moyens. Il ne veut surtout pas que l’on apprenne que son virus si parfait a une faiblesse… Mais vous ne comprenez certainement pas de quoi je parle. -Son virus a une faiblesse ?! -Oui. Mais il faut avoir une volonté hors du commun pour pouvoir exploiter cette faiblesse. Et je refuse que d’autres personnes ne souffrent par notre faute. Je m’en occuperai personnellement. » Il avait débité ça avec une voix tout à fait monotone, ne respirant qu’en fin de phrase, laissant encore cette impression de tout calculer. C’était vraiment effrayant ! Mais il était quand même assez persuasif, et vos doutes étaient moins pesants. « -Qu’est ce qui me prouve que vous n’êtes pas cet homme affreux ? Je ne peux pas vous faire confiance si je n’en suis pas sûr. - Vos convictions. Vos convictions… Elles seules comptent, pour tout être humain. Croyez-y, et n’hésitez pas. Au fond de vous, vous savez pertinemment si je suis ou non cet homme. Cet homme… » Dès qu’il répétait un mot, il semblait réfléchir intensément, comme s’il cherchait à établir de façon exacte la signification de ses mots. "Il est vraiment impressionnant !", venez-vous à penser. Il faut donc que vous croyiez en vos convictions ? La définition de ce mot vous semble très floue, qu’est ce qu’une conviction ? Et quelles sont les vôtres ? Si vous avez bien compris, ce n’est pas en lui qu’il vous demande de croire, mais bien en vous. C’est un peu comme s’il demandait de vous faire confiance à vous-même, comme si vous étiez en plusieurs parties, et que chacune de vos parties devaient s’accorder entre elles. Vous aviez déjà pensé à quelque chose comme ça : plusieurs "moi", en quelque sorte, qui régissent vos actions. Un moi colérique, un moi joyeux, un moi séducteur, et même un moi sous-jacent, l’inconscient. L’un de ces moi sait peut-être s’il faut ou non faire confiance à cet homme ? Cela vous paraît invraisemblable. Il n’a d’ailleurs pas mentionné cette idée. Peut-être ne faite-vous qu’adapter ses paroles à vos pensées ?... Au fond de vous, pouvez-vous faire confiance à cette personne ? Il n’est pas ce qu’on pourrait qualifier de "clair", c’est certain, croire en lui est bien difficile. « -Je… je ne peux pas en être sûr… -Je me doutais que vous diriez ça. Vous, les humains, êtes tous les mêmes. J’ai comme lui du mal à croire que nous fassions partie de la même espèce. La même espèce… Il ne faut pas hésiter, et je ne peux pas décider à votre place. Je n’ai que très peu de temps. Le temps… et vous non plus. Je ne vous emmènerai jamais de force, et peut-être devrais-je partir sans vous. C’est regrettable, car seul, je ne vous donne aucune chance. Si vous rejoignez votre hameau, ce fou tuera tout le monde. Vous avez bien peu d’espoir… bien peu d’espoir… Mais qu’est ce que l’espoir ?... -Eh bien, serait-ce réellement un espoir que de vous suivre ? Ce monde dévasté m’a appris à éviter les risques, et même si j’en prends un en restant seul, j’en prends un en vous suivant. Je ne sais pas… -Je vous l’ai déjà dit, j’ai peu de temps. Je considèrerai donc que vous avez fait votre choix. Je vous souhaite bonne chance. –Alors l’homme étrange se met à parler plus bas, dans une sorte de marmonnement presque incompréhensible- s’il vous reste une chance… Vous ne vouliez pas qu’il vous impose un tel choix. Mais il a aussi imposé votre réponse. Vous ne lui avez pourtant rien certifié ! Alors qu’il commence à tourner sur ses talons, vous vous mettez à réfléchir, qu’avez-vous donc à gagner en ne le suivant pas ? S’il s’agit du scientifique fou, ne pas le suivre équivaut à une brève survie, mais vous savez qu’il enverra des troupes de zombies pour vous détruire, vous et probablement la ville avec. Cela n’allongerait donc votre vie que de quelques heures, avant de devenir la cible d’un assaut effroyablement meurtrier de cadavres sans foi ni jugement. Vous aimeriez retrouver vos amis une dernière fois avant de mourir, mais pas dans ces conditions. Si ce n’est pas le scientifique fou, peut-être seriez-vous sauvé en le suivant ! Et puis, après tout, derrière cette voix parfaitement neutre se cachent des mots sans agressivité, il est compréhensif, du moins un petit peu, ce qui ne serait pas le cas de celui qui a écrit ces horribles fiches, visiblement. Et puis, si c’est bien quelqu’un d’autre, vous auriez tout à fait tort de ne pas le suivre : il a le potentiel pour vous sauver… « Attendez ! » |