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Récit : « INDOLENCE SANS ESPOIR »

SommaireChapitre 1Chapitre 2Chapitre 3Chapitre 4

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Chapitre 2 : Instinct de mort
Cinq jours plus tôt.

La camionnette filait, aveugle, sur la petite route. La nuit était tombée depuis près d'une heure et les ombres des arbres s'étendaient sur le bitume. C'était une nuit sans lune, une de celles qui régnaient dans les films à sensation avec quelques rares étoiles qui scintillaient dans le ciel.
Ceux qui se trouvaient dans le van n'en avaient cure. Ils fonçaient à toute vitesse dans l'obscurité presque totale.
" Gaffe où tu roules, Brad, on va se taper un cabot si ça continue.
- T'inquiète Kat, je vois assez et je sais où on va.
- Tu pourrais allumer les phares au moins.
- Et se faire repérer ? Tu rigoles ou quoi ? ça va bientôt grouiller de flicaille ici. Je ne tiens pas à les avoir sur le dos !!
- Moi non plus, mais sois prudent s'il te plaît..."

Kat agrippait la portière du mieux qu'elle le pouvait. Elle jeta un coup d'oeil à l'arrière de la camionnette et entraperçut les sacs ornés du signe $. "Un braquage sans risque", avait affirmé Brad. Presque en fait. L'un des convoyeurs de fond avait cru agir en héros en se jetant sur Kat pour la désarmer, mais les techniques de combat de la jeune femme l'avait estourbi en un moins de deux. Au moins ces années de prison lui avaient appris quelque chose. A se défendre correctement.
Ce qui s'était passé ensuite s'était déroulé image par image dans l'esprit, glissant lentement devant ses yeux sans qu'elle puisse réagir. Le convoyeur de fonds geignait au sol, à moitié sonné. Brad, dans un réflexe de peur appuya sur la détente de son arme et tira sur l'autre homme. Son omoplate explosa sous l'impact et il tomba à son tour au sol. S'il n'avait réagi ainsi, peut-être sue les deux compères auraient disposé de plus de temps. Il restait un convoyeur dans le fourgon. Effrayé par les coups de feu, il avait appuyé sur le champignon et avait fui en abandonnant ses collègues. Les portes du fourgon restées ouvertes, avaient craché quelques sacs. Bien peu par rapport à ce que le braquage aurait pu leur apporter.
Mais le fourgon disparaissant au loin, les lumières tamisées apparurent à la devanture de certaines maisons. Le coup de feu avait alerté des témoins non nécessaires, et quelques instants plus tard les autorités.
Il leur avait fallu fuir. Fuir au plus vite.

Retomber pour braquage, pour un aussi minable braquage avec quelques milliers de dollars en poche, ce n'était pas vraiment ce que voulait Kat. Elle avait déjà payé sa dette envers la société, comme on disait parfois. Elle avait espéré un instant que ce coup immanquable, comme l'avait décrit Brad, allait lui permettre de changer sa vie. Redémarrer à zéro au Mexique ou ailleurs. Pourquoi pas en Amérique du Sud. On disait que c'était un nouvel Eldorado là-bas.
Là c'était cuit. Avec les sacs dans le van, ils pouvaient espérer tous les deux se cacher quelques temps au Mexique. Pas de quoi pavoiser.

Les ombres recouvraient désormais totalement la route. Kat n'y voyait plus rien. Il était impossible que Brad puisse distinguer quoi que ce soit.
" Allume tes loupiottes, on va avoir un accident !
- Mais non... "
Kat voulut insister, mais elle n'eut jamais le temps. Le choc fut aussi brutal que soudain.
C'est étrange comme quoi certains pressentiments se réalisent toujours.

***

Brad contre-braqua du mieux qu'il le put. Quelque soit la chose qui avait percuté le van, cela avait crevé sûrement un pneu. La direction était bloquée et bien que la camionnette n'allait pas obligatoirement très vite, il avait manqué de se renverser et de faire des tonneaux.
Brad, 40 ans, dont 10 passés derrière les barreaux, n'avait pas son pareil en ce qui concernait la conduite. D'ailleurs, il avait plongé la première fois pour vol de voiture. Après une course poursuite de plusieurs miles.
Il maintint le volant comme il le put sur la gauche et parvint à éviter le pire. Dans un horrible crissement de freins.
"Putain, c'était quoi ?!!, s'écria-t-il quand la situation fut plus calme.
Kat qui était scotchée sur son siège ne répondit pas. Elle n'avait rien vu. ça avait surgi sans qu'elle ait eu le temps de dire ouf. Une masse sombre qui était apparu dans son champ de vision au dernier moment, sortant des broussailles à leur passage.
Pour finir sous les roues du van. Kat avait ressenti les craquements du squelette quand la tonne d'acier l'avait écrasé. Quelque soit la bestiole qui avait pu finir comme ça, elle était impossible qu'elle ait pu résister au choc.
Ni le van d'ailleurs. L'essieu avait dû en prendre un coup. Tout comme le radiateur vu comment ça sentait le chaud dans l'habitacle. Sans parler du pneu.
Kat regarda dans le rétroviseur et jeta un coup d’œil vers la masse qui gisait à quelques mètres de là.
" C'était quoi ça ?, réussit-elle à articuler, le souffle court.
- J'en sais rien, j'ai rien vu venir. Sûrement une sal'té de bestiole attirée par le bruit du moteur.
- C'est sûr que c'est pas à cause de la lumière...
- Bon, ok j'ai joué au con tout à l'heure, mais j'ai pas envie de replonger. Tu peux comprendre ça ?
- Parce que tu crois que j'ai envie ? T'aurais pu réfléchir merde, avant de tirer !!
- J'ai fait ce qu'il fallait. Maintenant c'est fait. On doit se barrer d'là au plus vite. Bon va voir ce que c'était, je vais aller mater les dégâts.
- OK...
Kat fulminait. Si ce connard la faisait à nouveau plonger...
Elle ouvrit la portière qui protesta en grinçant puis sortit du véhicule.
- On voit rien ici, t'as pas une lampe ?
- Je vais en avoir besoin alors, sers toi de mon briquet.
- Super....
Plus le temps passait, plus kat se disait qu'elle aurait mieux fait de rester couchée. Il y a des jours comme ça où les ennuis s'accumulent. Tout ça pour une poignée de dollars...
- On n'y voit goutte là...
kat s'était avancée prudemment jusqu'au cadavre.
- Oh putain !! Merde !! La caisse est morte, pfff...
Les cris de rage de Brad résonnaient dans la nuit noire. Tout était silence autour. Aucun bruit, rien ne troublait les ténèbres. Sauf sa colère.
Kat jeta un coup d’œil vers le van avant de regarder plus en détail la masse au sol. La jeune femme ne voyait rien avec le briquet. A peine la silhouette étendue, longue, rectiligne. Un bon mètre cinquante recroquevillé.
Trop grand pour être un chien, un cerf ou même un pécari. Non c'était bien plus grand... Sans compter qu'il n'y avait pas de fourrure, mais du tissu.
- Oh putain !!, s'écria kat. Brad, c'est un type ! On a renversé un type !!
La voix de son ami répondit en grognant de colère. Il devait émettre un de ces jurons dont il avait le secret. Kat tourna la tête et vit la lampe posée sur le capot et Brad qui donnait de violents coups de pied dans la carrosserie pliée du van.
- Brad !! Je te dis que c'est un mec. On a buté un mec !!
Sans attendre la réponse de son compagnon, Kat s'agenouilla et observa le cadavre.
Il était vêtu d'une chemise verte qui recouvrait son torse jusqu'à ses cuisses, le genre utilisée dans les hôpitaux pour les opérations. Elle était souillée de sang séché et des viscères du cadavre. Le choc avait dû être particulièrement parce que Kat au premier abord ne put dire si c'était un homme ou une femme.
Jusqu'à ce qu'elle regarde le visage. Pâle, défiguré. Le masque de la mort.
C'était un homme. Son âge était indéfinissable car il n'y avait plus rien d'humain sur son visage.
Kat détourna le regard. Ce n'était pas la première fois qu'elle voyait un cadavre. Mais dans un aussi mauvais état si. Elle avait fait des choses peu recommandables dans sa jeunesse, fréquenté des personnes qu'il aurait mieux valu pour elle éviter. Mais un corps dans cet état... C'était comme si la peau s'était momifié sur les os du crâne. Les arêtes étaient saillantes et la couleur des lèvres étaient presque blanches. A croire que cette personne était morte depuis longtemps.

La flamme du briquet éclairait le visage. Sa froideur tétanisait kat. Elle allait se relever quand elle crut distinguer quelque chose sur sa gauche. Le temps de tourner la tête et elle vit : le cadavre la regardait!

***

Kat fut si surprise qu'elle tomba à la renverse, sur les fesses. Devant elle, les yeux blêmes de l'homme la fixait tandis que sa mâchoire s'ouvrait et se fermait comme s'il cherchait à articuler un mot.
" BRAD !!! Il est vivant ! Le type est VIVANT !!
Derrière Kat, Brad maugréa et la jeune femme entendit ses pas lourds approcher. Le faisceau de la lampe torche illumina la scène et Kat, toujours assise sur le bitume froid put apercevoir l'ampleur du désastre.
L'homme était vraiment dans un sale état. Le van avait dû lui rouler dessus. Le bruit des os brisés lui revint en mémoire et elle eut soudain la chair de poule. Le pauvre type était en morceaux. Son squelette était en bouillie. C'était incroyable qu'il puisse bouger encore.
- ça va Kat ?, demanda Brad qui s'agenouilla à son tour auprès de la jeune femme. Tu trembles ?
- Oh Brad, tu as vu... tu as vu ce qu'on a fait à ce pauvre type ?
Les larmes affluaient chez elle. Elle n'était pas habituée à réagir ainsi, mais la situation était telle. Jamais elle n'aurait pensé être responsable de ça un jour.
- Il est encore vivant tu dis...? Franchement pas de bol pour lui !
- Arrête, arrête... ARRÊTE !! Mais tu déconnes ou quoi ?!? T'as vu ce qu'on a fait ? Ce pauvre type...
- ... Ce pauvre type est mort. Tu as rêvé, c'est tout. ça m'a tout l'air d'être un camé qui s'est barré d'un centre de désintox. Ou encore un taré enfui d'un asile... T'as vu sa tenue ?
- Il bougeait, je t'assure. Il m'a regardé. Ses yeux étaient... tout blancs.
- Tu as rêvé, j'te dis. t'as vu dans quel état il est. On dirait qu'il est passé dans une centrifugeuse... oh merde !
- Quoi ?
- Il a bougé, tu avais raison.
Les yeux grand ouverts fixaient Kat puis Brad. Les pupilles étaient blanches, comme s'il était aveugle. Pourtant on pouvait distinguer deux billes légèrement plus noires qui tournoyaient en cherchant où se poser. La mâchoire se remit à bouger. A nouveau l'homme cherchait à articuler quelques mots.
- ça va monsieur ?, demanda Brad. Ne bougez pas, on va appeler les secours.
Brad tourna la tête et fit un clin d’œil à Kat. Il était bien sûr hors de question qu'il le fasse. Mais que dire d'autre à ce pauvre homme ? Brad n'était même pas sûr qu'il l'entendait, voire qu'il le comprenait. Il était dans un si mauvais état...
Sa mâchoire continuait de bouger de bas en haut, comme s'il essayait de parler, de dire quelque chose.
- Vous voulez quelque chose, monsieur ? Vous avez soif ?
Tout comme il parlait, Brad se baissait légèrement vers l'homme. Avant de se tourner vers Kat.
- Tiens, prends la torche. Je vais essayer de voir ce qu'il veut.
Le faisceau de la lampe illumina un instant le visage de Kat. Elle était effrayée, ce qui n'était pas à son habitude.
Brad lui sourit tout en tendant la maglight.
Il lui murmura alors tout bas.
- Après on dégage, promis. On a encore de la route jusqu'au Mexique."
kat lui rendit son sourire.
Mais elle doutait de ce que Brad avançait.
Sans savoir pourquoi.

***

Brad pencha sa tête vers l'homme au sol, son oreille tendue vers sa bouche. S'il disait vraiment quelque chose, il pourrait l'entendre. Mais ce qu'il entendit à ce moment, ce ne fut qu'un crissement strident, celui des dents de l'homme qui se frottaient l'une contre l'autre. Un grincement stressant mais pas de paroles. C'était comme si l'homme ne pouvait plus parler.
" Putain, il schlingue la charogne. Y boug'rait pas, je dirais que c'est un macchabée. Y respire même pas.
Brad se releva, plaquant sa main sur son visage dégoûté.
- Il est mort ce type. C'est clair. ça doit être les nerfs pour qu'y bouge comm' ça.
- Si tu le dis...
- Y respire même pas !! Allez on file maintenant.
- Et lui, on en fait quoi ?
- On en fait quoi ? Bah on le laisse pardi. Tu veux pas non plus qu'on se le trimballe.
- Non, non, bien sûr que non. Mais on va pas le laisser là tout de même ?
Kat n'était pas une tendre. Elle avait fait déjà fait des choses peu recommandables, envoyés du monde à l'hôpital sans la moindre hésitation. Mais laisser ce corps là. Ce n'était pas pensable.
Brad la connaissait bien. Ils avaient baroudé un bout de chemin ensemble. Il savait quelles étaient ses valeurs, ses pensées. Malgré sa carrure peu commune chez une femme, qui en démontrait même à certains machos de base, elle n'acceptait pas certains actes. Comme celui d'abandonner ce pauvre homme, mort ou pas sur la route.

- Si on le laisse là, reprit-elle, c'est pas .... correcte ! ça ne se fait pas. Si j'étais à sa place, j'aimerais que ma dépouille soit pas abandonnée comme ça, comme une bestiole écrasée.
Brad soupira. Il avait autre chose à faire. Il y avait le van à réparer. La police devait avoir été alertée et était à leur recherche. Il fallait pas perdre de temps.
- Bon écoute, je m'en occupe. Tu vois ce que tu peux faire pour la camionnette. Et moi je m'occupe de... (il montra du menton l'homme au sol) ... lui. ça te va ?
Comme soulagée, Kat répondit en un souffle.
- Oui, ça me va. Je garde la lampe ok ?
- Allez file, je gère.

Kat retourna d'un pas soudain plus léger vers le van laissant Brad dans le noir, avec l'homme à ses pieds.
- Viens avec moi, coco, je vais te trouver un beau lit pour patienter..."
Et Brad s'agenouilla pour l'attraper par dessus les bras et le tirer vers les sous-bois.

***

Le van était dans un sale état. Le pneu était crevé, mais ça, ce n'était pas grave. Le radiateur en avait pris un coup, l'essieu aussi sans aucun doute... Kat se passa la main sur le visage. Il ne manquerait plus que ça. La jeune femme soupira et se dirigea vers l'arrière de la camionnette. Elle avait vu un pneu de rechange quelques heures plus tôt quand elle avait jeté les sacs volés.
Un bref coup d’œil vers l'endroit où se trouvait Brad et elle le vit tirer le corps dans les fourrées et préféra détourner le regard.
Ce n'était pas du tout ce qu'elle avait souhaité. Plus le temps plus la situation dégénérait. Mais elle ne pouvait plus faire marche arrière, elle était piégée.
Les portes s'ouvrirent sur la précieuse cargaison. Quelques dizaines de sacs. Des milliers de dollars seulement. Pas de quoi pavoiser... Même pas l'espoir d'un nouveau départ. Oh oui elle s'était embarquée dans une sacrée galère. Tout ça pour ça !!
Kat eut un frisson glacé, le genre qui prenait naissance au creux des reins et s'insinuait sournoisement dans le moindre des pores du corps. Un sentiment qui s'accroissait sans qu'elle sache pourquoi.

Le silence régnait toujours dans l'obscurité de la nuit. Un silence anormal si on considère que la route traversait une zone boisée réputée pour sa faune variée. Comme si chaque être vivant aux alentours préféraient demeurer muet face à une horreur indicible.
Kat réalisa tout à coup ce silence inhabituel. Même le souffle du vent semblait voulait rester discret.

" Aïe ... La salop'rie !!
La voix de Brad résonna dans la nuit.
Kat tourna la tête vers l'orée du bois et le vit s'approcher en tenant quelque chose tout contre lui. Sa main.
- ça va ?, demanda Kat inquiète.
- Ouais, ouais... t'inquiète pas. C'est le mec là. Quand j'l'ai posé contre le tronc d'un arbre, il a glissé et quand j'ai voulu le redresser, il m'a comme mordu.
- Je croyais qu'il était mort ?
- Il l'est, il l'est. J'en mettrai ma main à couper (il agita sa main blessée devant les yeux de Kat en rigolant). Tu vois je l'ai toujours. Y pue vraiment l'autre type là. C'est un macchabée j't'dis !!
- Fais voir ta main, ordonna Kat d'une voix sèche.
Brad s’exécuta et plaça sa main droite sous le faisceau de la maglight. Entre le pouce et l'index, il y avait désormais un hématome violet où apparaissait la trace reconnaissable de trois dents. Un peu de sang coulait, mais rien de bien grave.
- Tu vois, rien de bien important.
- Ouais... faudra voir à te soigner ça tout de même, ce serait bête que ça s'infecte.
- On verra ça plus tard. Alors la camionnette ?
- Il me reste à changer le pneu. Mais on a pris un sale coup tout de même. Je ne pense pas qu'on ira bien loin avec. En tout cas, pas au Mexique c'est sûr !
- Eh bien on trouvera un autre taxi en route."
Kat sut, à ces mots, que les ennuis n'étaient pas terminés.

***

Hamilton Davis était content de lui : il avait réussi à trouver le courage d'inviter la belle Fanny Lewis. La coqueluche du lycée. La Cheerleader si convoitée... En fait, ils se connaissaient tous les deux depuis leur plus tendre enfance mais ils n'avaient jamais été l'un et l'autre amis. Enfin, pas au sens du terme ou alors seulement quand ils avaient cinq ans, quand la timidité des rapports sociaux n'existe pas. C'était presque normal en tant que voisins.
Puis la vie les avait séparés. Des goûts différents, des amis qui s'ignorent, des chemins opposés.... Aucun point commun. Rien pour les réunir.
Et puis il y avait eu la fête de fin d'année et le miracle avait eu lieu. Hamilton, loin d'être le chouchou du lycée, avec son asthme, sa corpulence de joueur d'échecs et sa vision trouble. Il n'avait rien du sportif musclé et sûr de lui. Et pourtant, elle l'avait choisi lui.
Il s'était méfié bien sûr, il n'était pas né de la dernière pluie, sans compter le nombre de quolibets dont il avait fait malheureusement l'objet.
La jeunesse est cruel et loin d'être originale. Il est toujours plus facile aux plus forts de s'en prendre aux plus faibles. Et Hamilton faisait partie de ceux-là.
Pourtant Fanny l'avait choisi, lui. En souvenir du bon vieux temps ou parce qu'elle était capable de voir en lui au-delà de son apparence. Hamilton se disait qu'il n'était pas si laid que ça sans ses lunettes double foyer...
Fanny avait donc partagé une partie de la soirée avec lui, dansant langoureusement tout contre lui durant les slows. Hamilton qui n'était qu'un homme, s'était tout à coup trouvé envahi de sensations qu'il pensait endormies en lui. . Fanny réveillait, par ses gestes et son attitude un instinct primaire inconnu de lui.
Il bandait.

A 17 ans, cela peut paraître étrange qu'Hamilton n'avait pas encore réagi ainsi, mais il n'avait jamais eu l'occasion tout simplement. Ou du moins pas consciemment.
Et ce soir-là, fête du lycée de Georgetown, Hamilton découvrait l'existence d'autres sentiments, d'autres émotions.
La nuit était bien avancée quand Fanny, de plus en plus entreprenante, l'invita à sortir sur le parking. Elle voulait faire un tour dans sa voiture. Hamilton était aux anges. Pour la première fois.
Ce serait aussi la dernière fois.

La vieille Toyota n'était pas un carrosse. Hamilton aurait aimé disposer d'un autre véhicule. Celui de sa mère par exemple. Mais celle-ci avait refusé. Elle avait senti le traquenard et avait voulu prévenir son fils que l'invitation de Fanny cachait sûrement quelque chose. Mais clouée par une forte fièvre, elle n'avait pu rien lui dire. Il ne l'aurait pas écouté de toutes les façons, tant il était subjugué par la jeune femme.
Hamilton songea un instant à sa mère. Elle semblait si frêle quand il était parti quelques heures plus tôt. Il se promit de venir l'embrasser quand il serait de retour cette nuit-là. Il ne pouvait imaginer un seul instant qu'il n'allait plus jamais la revoir.

La Toyota filait dans l'obscurité. Le silence régnait dans la voiture. Hamilton, tout à son bonheur n'avait même pas vu que Fanny avait changé. Son sourire s'était mué en un rictus de circonstance et son regard se perdait dans le rétroviseur.
Elle attendait. Et s'impatientait.
Billy avait dit qu'il serait là sur le parking, qu'ils allaient bien s'amuser. Tu parles. Personne sur le parking !
Fanny ne pouvait pas un seul instant que le beau Billy, la star du fooball du lycée était en charmante compagnie et avait bien vite oublié la jeune femme. Il y a des plaisirs que nul homme, fidèle ou pas, puisse résister. Caché dans une cabine des toilettes, il fermait les yeux tandis que sa dernière conquête, agenouillée devant lui, avalait tout entier son désir.
Il fermait les yeux sous l'onde de plaisir qui l'envahissait et oubliait toutes les belles promesses.

A des kilomètres de là, Fanny s'impatientait, désespérant de ne pas voir apparaître dans les ténèbres les phares de la voiture de Billy.

Tout à son bonheur, Hamilton était à des lieux de penser qu'on lui avait joué un sale tour. Il était sur un petit nuage. Au début, il avait décidé d'en profiter, parfaitement conscient que cela ne durerait pas bien longtemps. Et puis les évènements avaient joué en sa faveur. Il avait Fanny pour lui tout seul. Pour le moment. Et même s'il se doutait bien qu'elle n'éprouvait sûrement pas grand chose pour lui, il comptait bien user de la situation.
Après tout, que risquait-il ?
Hamilton avait prévu de l'emmener à Stillhouse Hollow Lake à une trentaine de miles de Georgetown. C'était un peu loin pour une balade nocturne, mais c'est tranquille aussi. Sans compter que Fanny allait peut-être aimer. Ce lac était l'endroit préféré d'Hamilton. Un espace de sérénité, de calme et de méditation. Il avait tant de souvenirs agréables là-bas. Il espérait secrètement que cela allait le rester et que Fanny serait consentante.
Et tant pis si elle ne l'était pas.

La Toyota n'arriva jamais à Stillhouse Hollow Lake.

***

" Qu'est ce que c'est que ça ?
La voix d'Hamilton exprimait une certaine surprise, voire de l'appréhension. Elle tira Fanny de son mutisme. Elle pensa soudain que Billy était enfin arrivé
- Quoi ?
- Là, devant, il y a quelqu'un. Il nous fait des signes.

Dans les phares de la Toyota était effectivement apparue au loin une silhouette élancée. Elle faisait de grands signes à l'aide des mains comme si de cela importait sa vie.
Hamilton ralentit et s'arrêta à quelques dizaines de mètres d'elle. La silhouette ne bougea pas, baissa les bras et sembla chercher à voir ce qu'il allait se passer.
- Tu comptes faire quoi ?, demanda Fanny.
- Y aller, non ? Cette personne a peut-être besoin d'aide.
- J'attends dans la voiture, si ça te gêne pas.
- Bien entendu, lui répondit le jeune homme en souriant.
Il ne voulait pas jouer au super-héros devant Fanny, mais il se disait que cela allait peut-être remonter son estime face à la jeune femme et qui sait , briser les barrières entre eux deux.

Hamilton fouilla un instant dans la boîte à gant, profitant de la promiscuité pour sentir à nouveau le délicieux parfum de Fanny et en sortit un petit couteau.
- On ne sait jamais...", ajouta-t-il à l'intention de la jeune femme.
Il voulait seulement l'impressionner et espérait secrètement ne pas avoir à s'en servir.
Fanny, elle, jubilait. Elle avait tout de suite pensé que c'était Billy ou un des copains. Sans savoir comment, ils avaient réussi à les précéder sur la route et ils lui avaient tendu un petit piège. Elle se surprit à les imaginer gloussant de plaisir, cachés dans les broussailles, puis de sortir pour effrayer ce pauvre binoclard.
Ils lui piqueraient sa caisse ensuite en le laissant, pourquoi pas en caleçon sur le bord de cette route. Ce serait sympa comme souvenir de fin d'année ça. Fanny regarda alors avec attention la silhouette qui attendait plus loin. Elle se couvrait les yeux pour se protéger de la forte lumière des phares.
La portière claqua et Hamilton entra dans son champ de vision. Il gardait le petit couteau dans sa main, caché, et avançait prudemment jusqu'à la silhouette.
" C'est qu'il est courageux, le con !, jura-t-elle, un sourire moqueur aux lèvres. Ah je sens qu'on va bien se marrer."

***

" Vous allez bien ? Vous avez besoin d'aide ?
La voix d'Hamilton résonnait dans la nuit. Fanny ne put entendre la réponse de son interlocuteur. Elle descendit alors un peu sa fenêtre. L'air frais pénétra alors la voiture. Un parfum musqué inonda l'habitacle. L'odeur de la forêt.
Fanny ne perçut pas une autre voix mais elle vit Hamilton qui continuait d'avancer.

La silhouette approcha dans la lumière des phares. C'était une femme, assez grande et d'apparence musclée. Elle était vêtue d'un jean et d'un sweat sombre. Ses cheveux longs étaient attachés et reposaient sur une épaule. Elle gardait une main sur ses yeux pour ne pas être éblouie.
Hamilton n'était plus qu'à quelques mètres d'elle. La femme posa au sol un énorme sac à dos qu'elle portait avec son autre main.
Elle sembla parler, mais Fanny ne perçut rien.
Hamilton fit un signe d'acquiescement et se retourna.
" Fanny, tu peux couper les pleins phares s'il te plaît ?
La jeune femme qui suivait la scène avec attention, espérant assister à la plus grande rigolade de sa vie, pesta intérieurement.
- Oh Billy, attends deux secondes avant d'agir s'il te plaît...
Mais il ne se passa rien. Fanny baissa l'intensité des phares permettant à la femme sur la route de baisser son bras.

Hamilton garda son couteau caché. Il n'était pas né de la dernière pluie. Que faisait cette femme sur la route ? Toute seule ?
Peut-être rien de bien important, mais bon. Il valait mieux être prudent avec tous ces cinglés qui traînent.
- Je peux vous aider, madame ?
Il avait hésité en disant madame, car la corpulence de la femme lui avait laissé sous-entendre au début que c'était un colosse aux cheveux longs. Mais sa silhouette élancée, ses formes sculpturales étaient telles qu'on ne pouvait pas les ignorer.
C'était une belle femme, même si sa tenue mettait plus en valeur sa musculature que sa féminité. Pas du tout le type d'Hamilton, trop masculine à son goût.
Les yeux de la femme brillaient d'une certaine malignité, comme si elle se réjouissait de la situation.
- Oui, répondit-elle, ma voiture est tombée en panne un peu plus haut. Je ne pensais pas que quelqu'un allait passer par là...
- On veut bien vous emmener si vous voulez.
Le plan d'Hamilton tombait à l'eau mais bon il ne pouvait pas laisser cette femme au milieu de nulle part. Même pour passer du bon temps avec Fanny. De toutes façons, il n'y aurait rien eu de bon dans cette histoire.
- Vous allez où ?, demanda la femme.
- On comptait passer du bon temps, ma copine et moi mais on veut bien vous déposer plus loin ou bien à Georgetown..."

Tout en parlant, Hamilton baissa les yeux et regarda le sac posé au pied de la femme. C'était un gros sac blanc, plein. Sur la toile, un sigle sauta aux yeux du jeune homme. Une étoile rouge posée sur un rectangle bleu. La First Texas Bank.
Dans son esprit une alarme se mit à sonner. Même s'il n'en avait jamais véritablement vu ailleurs que dans les séries policières, Hamilton reconnut ce qui était un sac de dépôt bancaire.
Il voulut dire quelque chose, demander des explications quand sa tête éclata. Une myriade d'étoiles jaillit devant ses yeux et il tomba lourdement au sol, un liquide chaud envahissant sa gorge.
Du sang.

***

Fanny n'en crut pas ses yeux. La femme venait de frapper Hamilton. Si c'était un plan de Billy, ce n'était pas drôle du tout. Abandonner le puceau en pleine campagne en caleçon, c'était marrant mais le cogner. Très peu pour elle.
Elle regarda la femme se pencher au-dessus d'Hamilton et s'emparer du couteau qu'il tenait dans ses mains.
Fanny faillit déglutir quand la femme releva la tête et la fixa méchamment.
Prise de panique en comprenant que ce n'était pas un plan de Billy, elle se glissa du mieux qu'elle le put sur le siège conducteur et voulut démarrer le moteur.
"Oh merde, quel con !! Les clés...
Elle chercha rapidement du regard si Hamilton ne les avait pas déposées au dessus du compteur. Nada. Rien.
Fanny aperçut alors la femme qui relevait brutalement Hamilton et le traînait vers la Toyota.
Elle voulut s'enfuir, ouvrit la portière et... tomba nez à nez avec un homme, plutôt mal rasé. Il lui sourit avant de la repousser violemment dans la voiture.
- Reste là ma chérie, tu vas pas partir comme ça dans la nuit. On va bien te déposer quelque part...."

***

Le coffre claqua, faisant sursauter Fanny. Elle était au volant et aperçut derrière la voiture, la femme qui la contournait pour monter à l'arrière, rejoindre Hamilton.
Celui-ci était encore à moitié sonné, du sang presque séché ornant la naissance de son nez. Son souffle était rauque et ses yeux roulaient presque dans ses orbites.
A côté de Fanny, l'homme s'était assis, gardant pointé son revolver sur son genou. il avait promis qu'il lui exploserait le genou si elle faisait une bêtise, chose qu'elle n'oserait pas faire, bien sûr.
La femme monta auprès d'Hamilton.
" Il y a quoi ton copain ? Il est malade ?
L'homme se retourna et le fixa à son tour.
- Et petit, faut pas avoir peur... On n'est pas des monstres.
Hamilton ne répondit pas et son souffle était de plus en plus haletant.
- Eh ! Oh ! Il a quoi là ?!!
- Réponds à ma copine toi. Il fait quoi ton camarade là ?
- J'en sais rien moi. Une crise d'asthme...
Hamilton hocha la tête Sa main fébrile se glissa lentement jusqu'à la poche de sa veste. Mais l'effort était important. Elle retombait aussitôt.
La femme se colla à Hamilton et tâta alors à l'aide de sa main gauche la veste en jean. Elle y trouva ce que le jeune homme s'évertuait à attraper. Une espèce d'aérosol en plastique bleu. Une cartouche y était déjà mise.
Les yeux d'Hamilton roulèrent à nouveau tandis qu'il cherchait à attraper l'inhalateur.
- Mais passez lui son médicament !! s'écria Fanny qui suivait toute la scène depuis le rétroviseur. Donnez-lui sinon je ne vous conduis nulle part !!
- Je ne crois pas que tu sois en position de nous obliger à quoi que ce soit ma chérie, répondit l'homme.
- Qu'est ce que je fais, Brad ? Je lui donne ?
Hamilton changeait déjà de couleur. Son souffle s'amenuisait, ses pupilles disparurent sous ses paupières et le jeune homme se mit à trembler.
- Donne-lui kat, soupira Brad. Je ne veux pas qu'il clamse dans nos pattes !!"
Kat plaça l'inhalateur dans la main du jeune homme et l'aida à approcher l'aérosol près de sa bouche.
Le souffle libérateur résonna, libérant les bronches de l'étau qui empêchait l'air de pénétrer.
Hamilton retrouva des couleurs et son rythme cardiaque se calma. Il venait d'échapper à la mort, mais pour finalement se retrouver dans une situation à peine meilleure : prisonnier de deux malfrats de la pire espèce.
Il n'avait pas retrouvé assez de force pour parler mais il allait mieux.

"Bon, ma chérie maintenant que ton copain va mieux, tu vas nous obéir. Tu vas ... aller tout droit (il joignit le geste à la parole en faisant un moulinet de la main) et puis on va ensuite vous déposer pas loin de la civilisation. Nous on garde la caisse. De toutes façons, vu l'état, tu ne perds rien.
Fanny ne réagit pas.
- Roule j'te dis !!
La jeune femme sursauta puis bourra du regard le dénommé Brad.
Intérieurement elle se mit à maudire Billy qui l'avait plongée dans ses sales draps pour une bien mauvaise blague.

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