Jour 18 Le vieux Jacques est mot cette nuit. Il a avalé sa langue : trop chaud, pas assez d’eau. Juliette, sa petite-fille, se retrouve seule. Jour 19 Pierre s’est rendu compte qu’on a oublié le stock de cyanure au 2e étage. A l’heure où j’écris, 40 degrés, mais Juliette trouve encore la force de pleurer. Si elle n’arrête pas, elle va finir comme son grand-père. Jour 20 Sous nos yeux, Pierre a sauté. La pire a été de Les voir se jeter sur son corps écrabouillé. Ils me dégoûtent. J’espère qu’il en a tué à l’atterrissage. Juliette s’est enfermée dans une des rares pièces à l’ombre. Nous n’avons même plus la force de lui demander d’ouvrir. Charles est malade, apparemment. C’est sans doute une excuse pou boire plus. Jour 21 Depuis que Juliette s’est enfermée, nos corps nus sont encore plus serrés. La chaleur humaine est encore pire que celle du métal, sans parler de l’odeur. Il est impossible de dormir avec une telle promiscuité. (plus tard, la nuit) Victor vient de défoncer la porte de la salle de Juliette. Elle a jailli de l’entrebâillure pour se précipiter directement dans le vide. Jour 22 On s’est rendu compte certains d’entre nous étaient déjà morts de déshydratation depuis quelques jours. On a jeté les corps, mais on est encore très serrés. Honteux d’avoir « tué » Juliette, Victor a sauté lui aussi. Certains comportements m’effraient. (plus tard, la nuit) Charles vient de défoncer le cadenas protégeant la réserve d’eau pour boire à grandes lampées dedans. On lui avait pourtant interdit de boire à même la réserve ! Dans la cohue, on a perdu beaucoup d’eau. Devant un tel gâchis, on a balancé Charles par-dessus la balustrade. Ca lui apprendra à nous refiler ses microbes. Jour 23 Marc est le seul à avoir bu aujourd’hui. On se contente de végéter en réfléchissant à des solutions. Pendant ce temps, les Autres nous fichent la paix. Sans doute parce que leur faim est rassasiée par les corps qui tombent tous les jours du 3e étage. Jour 24 Comme prévu, Marc est gravement malade. On l’a balancé lui aussi, pendant qu’il était inconscient. Pas prendre de risques. Jour 25 On a purifié le peu d’eau qu’il nous restait, et on a presque tout bu d’un coup. Je ne me suis jamais senti aussi bien. Certains ont sauté après avoir bu, pour mourir heureux. Tant mieux. On a assez d’eau pour survivre au moins une semaine, maintenant. (plus tard, la nuit) Ils montent tous. C’est comme s’Ils venaient de se réveiller. Comme des araignées, Ils s’agrippent aux barres de fer pour escalader prestement la Tour. Seraient-ce les Rapides dont les militaires nous ont tant parlé ? Alors que nous avions enfin des perspectives de survie, nous allons tous mourir. Jean vient de sauter. Victoire aussi. Je souhaite écrire jusqu’à la fin. Mes compagnons me regardent d’un drôle d’œil, affolés. C’est horrible de voir à quel point la capitale, autrefois si belle, a été dévastée par les combats. Je suis immensément triste de constater que cela va être ma dernière vision. Si seulement il n’y avait pas (le récit s’interrompt brusquement, remplacé par des gouttes de sang) |