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Récit : « Contrée du Carnaval d'hiver »

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Chapitre 18 : Herménégilde
Noirceur lugubre. Je suis transi. La mort… Cet abîme de ténèbres glacées m’engloutit, moi, éthéré, simple âme en perdition. Un froid funèbre, qui laisse imaginer le souffle d’une gorge désincarnée. L’absence de toute notion. Pas de temps. Aucun battement. Seulement le vide, l’horreur…

Nan ! Je rigole ! Je suis assis à un bar – vide – privé dans l’Ancienne Cité Oubliée. C’est le nom pompeux de l’endroit – où du non-lieu, dépendamment du point de vue – où se retrouvent toutes les âmes décédées. Nous sommes réellement décarcassés. Cependant, il fait encore chaud comme dans le rectum d’un rhinocéros.

Il s’agit du refuge de Maneige. Un petit coin tranquille idyllique... c'est-à-dire, sec, inconfortable et restreint, malgré tout précieux d'intimité. Impossible d’y avoir accès à moins qu’elle vous y convie ! Je suis un privilégié ! Le seul truc qui me chiffonne, c’est qu’elle a aussi invité le Vampire de Düsseldorf.

– Avez-vous vu le message de mort laissé par Buttler ? Une perle, tout simplement ! s’exclame-t-il.

– Oui j’ai vu ! s’esclaffe Maneige, un vrai paumé.

Évidemment, je n’ai pas vu le message. Pour être dans le coup, je m’empresse de leur raconter comment ce cher gardien m’a tendrement dévoré le ventre. Ils rient… heu… de qui ? L’autre tache a un rictus dédaigneux en me jaugeant. L’éclaireuse coupe court à mon angoisse.

– Bon, c’est nul ici. On ressuscite ?

– Oui, d’accord. Mais d’abord je dois vérifier quelque chose.

L’âme du vampire s’éloigne en flottant. L’occasion est rêvée pour confronter ma compagnonne à propos de cette présence indésirable.

– Qu’est-ce qu’il fait là ? Pourquoi ce cinglé de vampire est encore là !

– Quel est le problème ? Je l’ai invité, tout simplement…

– Non mais tu es folle ? C’est à cause de lui si on m’a banni ! C’est sa faute si tout ça est arrivé ! T’as déjà oublié ?!

– Ho ! Tu ne me parles pas comme ça ! Il t’a aidé par la suite, les citoyens sont stupides. C’est toi qui as des trous de mémoire !

– Pff ! C’était bien la moindre des choses de « m'aider » !

– Ouais… Alors tu te calmes et aies un peu de reconnaissance.

– Haha ! Pour quoi au juste ? La dernière journée ? Comment il t’a parlé et comment il m’a tout volé ! C’est un profiteur ! Un manipulateur ! Il t’a bien lavé le cerveau !

– Là, je te préviens ! Tu baisses le ton d’un cran ! Je prends mes décisions seule et je n’ai absolument aucun compte à te rendre !

– Bien sûr, maintenant tu confies tous tes petits secrets au vampire !

– Le « vampire » à un nom je te signale, c’est Steve !

– Ha ! Vive les familiarités ! Comment tu sais qu’en fait il s’appelle pas… Herménégilde !

Elle a une moue exaspérée tout à fait excessive.

– N’importe quoi ! Tu parles comme un enfant !

– Je dis ce que je constate ! Le vampire est un sociopathe, point à la ligne ! Il aide personne ! Il vole, manipule, il ment… tout pour sa gueule !

– Franchement, t’as les yeux dans les mauvais trous ou quoi ? Tu crois qu’il était obligé de te donner des planches ? De nous passer le PMV ? D’aider à te débarrasser de Buttler ? Reconnais donc tes vrais ennemis !

– Voyons, il en retirait des profits à chaque fois ! Je n’ai jamais rien demandé à personne, que je sache !

– Tu es égoïste à ce point ? De quoi tu te plains ? De la chaise totalement inutile que tu as perdue en échange de la tranquillité d’esprit ? T’es pas le nombril du monde, tu sais ! Les autres n’ont pas à tout te donner sans rien en retour ! Et bien souvent c’est chacun pour soi !

– Ha ouais ? Donc, expliques-moi, miss « je-sais-tout-sur-ce-monde-de-chacun-pour -soi », pourquoi tu m’as aidé, hein !? Pourquoi !

– Je sais pas ! Mais j’aurais pas dû !

Elle est rouge de colère, les yeux luisants. Aussitôt, elle se rue sur moi, me frappe violemment à la poitrine. Je sens comme une brûlure et suis happé brutalement vers l’arrière. Maneige et son îlot paisible disparaissent de ma vue. J’atterris seul, nulle part. Comme avant l’avoir rencontrée.

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