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Récit : « Contrée du Carnaval d'hiver »

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Chapitre 35 : C’est absurde !
Je ne sais pas par où commencer. J’ai remarqué un paquet de choses ces derniers jours et toutes ces découvertes se bousculent au portillon dans mon esprit.

– Hum… Et bien… Par exemple, tu dis qu’il n’y a pas plus ignorant que Deep, mais le premier jour elle m’a semblé connaître tout le monde. Par contre, j’ai noté un truc assez étrange qui se passe la nuit… je ne sais pas si tu vois de quoi je parle ?

Il ricane en opinant du bonnet.

– C’est comme si… en fait… elle visite tous les gars l’un après l’autre et ensuite elle ne s’en souvient plus, ou alors elle fait semblant…

– Oh non ! Elle fait pas semblant ! Continue.

– Ha bon… Hum… J’ai cru voir que les expéditeurs sont hypnotisés, enfin, ils en ont l’air…

– Bah c’est déjà pas mal ! T’as tout un sens de l’observation toi, hein ! Pour dire s’ils sont hypnotisés alors ça oui ils le sont ! Et pas seulement : c’est carrément Toutakou et ses p’tits soldats qui sont dans leurs têtes ! Celui-là, le grand chef, peut manipuler presque toute la ville et faire faire ce qu’il veut à n’importe qui ! Moi, je refuse de me laisser piloter comme ça. Il fut un temps où il avait le contrôle sur moi mais j’en ai eu marre d’être à tout bout d’champ déconnecté de la réalité ! Imagine, c’est comme si tu t’évanouissais et te réveillais ailleurs, toujours debout, en un clin d’œil ! Quand tu perds le contact, après faut lutter pour le retrouver. Surtout, lui donne pas la clé de ton âme, car sans ça il peut pas t’atteindre. Sinon il pourrait te forcer à avaler du cyanure sans que tu t’en rendes compte ou, pire, dissiper ton âme à jamais.

Je suis horrifié par ce qu’il raconte. Instinctivement, je m’agrippe les bras et les tâtonne, pour m’assurer que je suis bien moi dans mon corps. Ses mots résonnent dans mon crâne : manipuler, piloter, contrôler, déconnecter… Comme des machines ! Suffit de mettre la clé dans le contact ! À cette image, je pense à Deep.

– Mais… Il force Deep à coucher avec tout le monde ?!

– Ouais ! T’imagines ? Le mec contrôle la fille avec qui il baise ! C’est dégueulasse, c’est comme s’il se faisait l’amour à lui-même et aux autres après… Enfin, je sais pas s’il reste dans sa tête toute la nuit. Peut-être qu’ils se l’échangent aussi. En tout cas, moi, je trouve ça gay de se mettre dans le corps d’une fille.

Je me détourne du visage moqueur de LaFin et observe les zombies qui butent contre la muraille. J’essaye de digérer ses révélations, incapable d’assimiler l’ampleur du pouvoir de Toutakou. Je suis effaré, il en rajoute.

– Tu seras attentif quand on commencera à faire tirer des objets, des barricades et d’autres trucs comme ça. Tu verras que très souvent, quand machins X ou Y gagnent, les lots atterrissent dans la maison de Toutakou.

Donc voilà… En manipulant les gens, il peut les forcer à sortir en expédition de même qu’il se sert d’eux pour récolter des prix ou des faveurs… ou il les utilise pour pendre qui il veut.

– Pour être honnête, ça m’étonne que tu sois pas encore banni de la communauté ! T’as vraiment une sacrée veine que Deep t’aie pris sous son aile et de t’être tenu à carreau ces derniers jours, j’espère que t’en es conscient. Heureusement, Toutakou n’est pas assez psychopathe pour prendre le contrôle définitif de tout le monde ! Y en a quelques uns ici, sans blague, qui sont plus que des carcasses. Les vrais propriétaires, si je peux dire, ont foutu le camp depuis un bail. On les appelle des « fantômes ». C’est pour ça que les gens sont pas très bavards ! Si ça se trouve, tu as déjà parlé à Toutakou sans le savoir pendant qu’il était dans la tête d’un autre mec. Si ça se trouve, je suis Toutakou ! Ha ! Ha ! Ha !

Mes cheveux se dressent. Quelle mauvaise blague. Comment il arrive à rire de ça lui ? C’est horrible ! Il existe des enveloppes sans âme ? Des corps sans leur propriétaire ? Mon dieu… dans quelle ville je suis tombé ?

– Mais, LaFin… Je ne comprends pas… Pourquoi les gens restent ? Pourquoi ils endurent ça ? Tu es le seul à savoir tout ça ? Pourquoi ils permettent à… à ce monstre d’entrer dans leur tête ? C’est absurde ! Ce n’est pas une vie !

– Ha… Tu serais étonné de savoir le nombre de personnes qui accepte d’abandonner leur corps en échange d’un peu de tranquillité, de quelques jours de survie en plus. T’étais bien naïf avant ce soir !

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