Hordes Topics Hordes Topics Hordes Topics
Changer le design (bêta) :
[Par défaut]   [Dark]
 
Progression : 0/100
Niv. expérience : 1

Récit : « Contrée du Carnaval d'hiver »

Sommaire  

4 bien 0 bof
Chapitre 37 : Le soliloque
– Pourquoi… Arf… Non… Ça n’a aucun sens…

– Qu’est-ce que tu comprends pas encore ?

– Non, je comprends… En fait… Je comprends pas… Mais… Je veux dire... Les gens se laissent « piloter » pour survivre, mais… Tu as dit que c’était comme être évanouis, donc… c’est comme… ne pas avoir conscience de ce qui se passe… Comme être mort… Et le corps, je veux dire… vit, leurs corps vivent, mais eux ne s’en rendent pas compte, donc en fait… Ils survivent, mais ce n’est pas vraiment eux… C’est juste leur corps…

– T’es presque pas aussi con que t’en à l’air.

– Heu… D’accord, mais voilà… pourquoi ?! Pourquoi ? Quel intérêt ? C’est terrible, c’est… c’est de la prostitution de soi, c’est…

– C’est facile ! Si facile ! Imagine de ne pas avoir à vivre ta journée ! Pas besoin de bosser, pas besoin de creuser, ni de suer comme un porc sous le soleil dégueulasse ! Ton corps le fait, mais pas toi. C’est comme si tu dormais toute la journée et que tu te réveillais épuisé le soir, prêt à te rendormir ! Tout ce que t’as à faire, c’est te reposer. T’as pas à te prendre la tête, t’as pas à réfléchir, jamais. Simplicité, sécurité, sérénité. Tu bosses pas, tu te soucis pas des zombies et tu réfléchis pas. Voilà ce que veulent les gens. Voilà ce que Toutakou offre.

Incroyable. Incroyable. Et il me dit ça sur le ton de l’évidence, comme si c’était logique. Je suis sidéré.

– Et… combien de jours…

– Environ trente jours. On ne s’inquiète jamais des hordes avant le vingt-sixième ou le vingt-septième soir.

– Trente jours…

Je prends une pause, le temps de soupirer. Puis je réfléchis à voix haute, peut-être pour que mes idées se replacent, peut-être pour lui exposer mon point de vue.

– Un mois de lutte… Non, même pas. Un mois d’attente ! Un mois réglé comme une horloge à se laisser faire vivre par un mégalomane et par ses sbires… Moi qui avais difficilement survécu une semaine, une fois, avant d’arriver ici… Et non sans claquer des dents à chaque nuit. Je n’admirais pas le « spectacle ». J’imagine à peine ce que représentent trente jours maintenant…

Je fronce les sourcils. J’ai l’impression que les morceaux du casse-tête s’emboîtent petit à petit. Je poursuis.

– Je nous croyais là pour lutter. Oui… pour espérer même. Espérer ! Et ce malgré la fatalité de la mort. Y a qu’elle qui devrait être certaine. Quel intérêt de recommencer encore et encore le même mois ? Y a pas d’espoir… Y a seulement des certitudes : au moins vingt-six jours de survie, des plans établis par Toutakou et à la fin, la mort ! Et quelle mort… Dévoré par des zombies, toujours pareil. Pourquoi profiter à cet escient du don de réincarnation que nous avons ? Si l’espoir les a quittés, pourquoi ils s’acharnent à toujours recommencer ? Par habitude ? Pourquoi ils ne laissent pas leurs âmes se dissiper tout simplement ? Tant qu’à se laisser « piloter »… Quelle différence ?! En fait… Ils ont peur de vivre ! De vivre vraiment, pas seulement de survivre ! De vivre la peur qui prend aux trippes, de vivre la frustration d’une trahison. Et à l’inverse de ressentir la joie incroyable de trouver un bout de viande mangeable ou la planche de bois qui manquait pour les chantiers. La fierté de terminer une construction difficile ou de voir l’aube d’un cinquième jour avec tous les compagnons encore vivants. Où sont passé les vraies expériences humaines ? Où est remisé l’espoir ? Si je me réincarne c’est parce que j’espère à chaque fois vivre une expérience nouvelle et meilleure que la précédente. C’est rarement le cas, mais c’est ma motivation ! J’espère rencontrer des gens merveilleux et acquérir de l’expérience, j’espère devenir une personne meilleure, j’espère pouvoir aider les autres à survivre ! Je n’échangerais cela contre aucune garanti de simplicité, sécurité, sérénité automatisée ! Les gens du Pâturage on perdu l’essence même de ce qui fait de nous des humains, ils n’ont plus d’espoir. Ils se transforment en machines, ils se laissent « contrôler » pour vivre. Mais vivre, ce n’est pas de se reposer le soir et de dormir constamment ! Vivre c’est aussi suer, crier, c’est se casser la tête, c’est avoir faim, c’est avoir peur ! Vivre c’est sortir de son cocon et croiser des gens nouveaux ! Vivre c’est de faire des erreurs, c’est d’apprendre ! Tout ça est impossible ici ! Tout le monde attend les directives, sagement, sans jamais les contredire, sans jamais prendre d’initiatives ! Ici, vous n’avez même pas peur des zombies, vous avez peur de Toutakou ! Vous êtes heureux ? Ils sont heureux que Toutakou vive leur vie à leur place ? Ils sont vraiment satisfaits ? C’est vivre de s’endormir et de se « réveiller » le soir sans savoir ce qui s’est passé entre ces deux moments ?

J’arrête là mon soliloque, haletant, outré. LaFin s’est renfrogné et il ne répond plus, s’absorbant dans la contemplation des hordes qui battent en retraite. Je n’en ai rien à foutre, j’ai l’impression d’avoir dit ce que j’avais à dire. Je soupire et l’abandonne sans un dernier mot.

<< Chapitre précédentCommentaires (0)Chapitre suivant >>

Noter ce chapitre

+1 Bien Bof -1

Editer ce chapitre     Ajouter un chapitre