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Niv. expérience : 1
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J’ai oublié mon rêve de cette nuit. Au réveil, il ne me restait qu’un frisson et une vague sensation de vide. J’aimerais reparler à LaFin pour savoir ce qu’il a pensé de mon discours d’hier, mais il est déjà parti travailler à la finition de la fausse ville. Je me suis levé trop tard, il n’y avait plus besoin d’autres ouvriers là-bas, deux ou trois personnes suffisaient. Je me coltine à la place l’assemblage de poutres en prévision de la restructuration de la ville qu’on amorcera demain. Les bruits m’agressent. La paranoïa me rend à fleur de peau et amplifie les grincements de tôle à mes oreilles. Le frottement mat des dents de scie qui buttent sur le nœud d’une planche. Les métaux stridulants qui s’entrechoquent. Les pas qu’on traine dans la poussière pierreuse. Les reniflements verdâtres qu’on crache la bouche pleine. Les vertèbres coincées qui claquent d’un coup sec. Les repas qu’on éructe grassement des bas fonds. Les pages du registre qu’on noircie. Ma solitaire détresse qui m’hurle mon trop vide. Je lâche la scie, en proie à la panique. La sueur baigne mes tempes et mon front, elle me dégouline dans les yeux. Les paupières closes, je tangue mon évasion, je m’échoue et me redresse, je goûte le sel, je fais naufrage, je m’encre enfin, j’harponne une gourde, je cabote d’îlots en îlots, j’accoste ma couchette, les poumons sifflants. Une pause, ça me ramènera sur terre. L’eau chaude inonde mon œsophage reconnaissant. J’essuie mon visage et scrute l’océan qui m’entoure. J’hallucine une odeur de poisson, je tourne la tête. Deep m’aborde. – Hey ! Salut ! Hi ! Hi ! Ça va toi ? T’as pas l’air bien mon petit matelot ! Hi ! Hi ! Hi ! – En effet, le moussaillon n’est pas dans son assiette. Son visage se déconfit, la babine triste. Il n’y aucune méchanceté dans cette fille. – Oh… Qu’est-ce qui va pas ? – Rien… – Non ! Mensonge ! Dis-moi tout ! Tu peux me le dire à moi ! S’il-te-plait ! Si Toutakou se cache en ce moment à l’intérieur d’elle, alors c’est un fichu psychopathe. – Heu… Je me sens pas encore prêt à en parler… Je crains d’en dévoiler trop à Deep. LaFin ne m’a rien dit à ce sujet, mais… Et si Toutakou avait accès aux souvenirs ? S’il pouvait espionner après coup les paroles échangées ? Mon ultime déboire serait bien qu’il apprenne que j’en sais trop. – Bon… Je te comprends, t’es un timide. C’est pas grave… – Deep, tu viendrais fouiller aux abords de la ville avec moi ? Ma question la surprend. Elle vérifie rapidement la position du soleil. J’en conviens, il est un peu tard pour aller creuser. Elle zieute les alentours, comme à la recherche de témoins, puis son regard se repose sur moi, malicieux, accompagné d’un sourire espiègle cinglé d’éclats enfantins. L’ongle de l’index entre les dents, elle me lance son « OK » salvateur. |
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